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L’histoire des immeubles insalubres à Marseille : de la rue d’Aubagne aux politiques de rénovation

Marseille, deuxième plus grande ville de France, est souvent perçue comme une cité méditerranéenne ensoleillée, multiculturelle, et vibrante. Mais derrière ses calanques et son Vieux-Port, elle porte aussi une longue histoire d'habitat dégradé et d’immeubles insalubres, particulièrement dans ses quartiers populaires du centre-ville.

Depuis plus d’un siècle, des générations de Marseillais ont vécu dans des logements précaires, exposés à des risques sanitaires, sociaux et structurels majeurs. L’effondrement dramatique de plusieurs immeubles rue d’Aubagne en 2018 a révélé cette réalité à la France entière. Mais ce problème ne date pas d’hier.

Lhistoire des immeubles insalubres à Marseille de la rue dAubagne aux politiques de rénovationDans cet article, on remonte le temps pour comprendre comment on en est arrivé là, et surtout comment les politiques publiques et les dynamiques urbaines ont tenté — parfois sans succès — d’y remédier.

Un siècle d’histoire entre pauvreté, urbanisation et abandon.

  1. Le Vieux Marseille à la fin du XIXe siècle

À la fin du XIXe siècle, Marseille connaît une explosion démographique liée à son rôle de port colonial et industriel. Les quartiers centraux comme Noailles, Belsunce, le Panier ou la Belle de Mai voient leur population tripler en quelques décennies. On y construit à la va-vite, sans réglementation claire, pour loger une main-d'œuvre venue d'Italie, d’Espagne, d’Arménie, puis du Maghreb.

L’habitat se densifie dans les ruelles étroites et humides. À cette époque, les logements sont rarement équipés d’eau courante, de sanitaires ou de ventilation. Les marchands de sommeil prospèrent déjà. Les immeubles de quatre ou cinq étages, aux cages d’escaliers sombres, commencent à vieillir très vite, faute d’entretien et d'investissements.

  1. 1943 : destruction du Vieux-Port, reconstruction et relégation

Le 22 janvier 1943, les Allemands et le régime de Vichy organisent la destruction du quartier du Vieux-Port, jugé trop insalubre et propice à la résistance. Cette opération de rénovation autoritaire chasse 20 000 habitants et détruit une partie de la mémoire de la ville.

Après la guerre, la priorité est la reconstruction. Des logements sociaux sont créés en périphérie (comme les cités de la Castellane, de Frais-Vallon ou de la Bricarde) pour reloger les classes populaires. Ce mouvement amorce une forme de relégation spatiale : le centre-ville est délaissé, alors que les politiques urbaines favorisent le développement de l’axe nord-sud et du littoral.

  1. Les années 1960-80 : crise de l’habitat privé ancien

Dans les années 1960-1980, la crise de l’industrie, le départ des classes moyennes et la paupérisation des centres historiques aggravent la situation. Dans les quartiers comme Noailles, le Panier ou Belsunce, les immeubles sont vieillissants, souvent divisés en logements de fortune. Beaucoup deviennent des taudis.

Les propriétaires, souvent âgés ou désengagés, n'investissent plus dans l’entretien. On observe un phénomène connu sous le nom de vacance spéculative : les logements sont laissés vides ou sous-occupés, en attente d’une opération de valorisation qui ne vient jamais. L’insalubrité s’installe dans l’indifférence générale.

Un rapport de l’INSEE de 1984 notait déjà que près de 30 % des logements de Marseille étaient considérés comme dégradés ou très dégradés, un taux bien supérieur à la moyenne nationale【source: INSEE】.

  1. 2000-2010 : plans de rénovation, ambitions contrariées

Face à cette situation, plusieurs plans ambitieux sont lancés dans les années 2000.

Le plus emblématique est le projet Euroméditerranée (1995-2020), qui vise à transformer le centre-ville nord et les quartiers autour de la Joliette. Mais cette opération, bien que massive, concerne surtout les grands projets immobiliers, les bureaux et les infrastructures portuaires. Les quartiers les plus touchés par l’habitat insalubre restent en marge.

Dans les zones les plus dégradées, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) intervient à partir de 2003, notamment à la Belle de Mai ou à Saint-Mauront. Mais les rénovations prennent du temps, et souvent, elles consistent à démolir plutôt qu’à réhabiliter.

Selon une étude académique menée par l’université d’Aix-Marseille en 2009, plus de 40 % des logements du centre ancien étaient considérés comme potentiellement indignes, principalement à Noailles, Belsunce et le Panier.

  1. Rue d’Aubagne, 5 novembre 2018 : la tragédie révélatrice

Le 5 novembre 2018, trois immeubles situés au 63, 65 et 67 rue d’Aubagne s'effondrent en pleine journée. Huit personnes perdent la vie sous les décombres. Le drame suscite une vague de colère et d’indignation, à Marseille comme dans toute la France.

Ces immeubles, bien qu’en apparence solides, étaient connus pour leur fragilité. Des alertes avaient été émises à plusieurs reprises, sans qu’aucune mesure efficace n’ait été prise.

L’effondrement devient un électrochoc. En quelques jours, plus de 400 immeubles sont évacués dans la ville pour risques d'effondrement, et des milliers de Marseillais se retrouvent à la rue ou hébergés en urgence. Un chiffre qui montre l’ampleur du problème.

La ville de Marseille est alors pointée du doigt pour sa lenteur, son manque d’action, et une politique d’urbanisme jugée clientéliste et inefficace. Un rapport sénatorial de 2020 conclura que l’habitat indigne à Marseille est un problème systémique, fruit d’une accumulation de défaillances institutionnelles, d’un parc privé vieillissant et d’un sous-investissement chronique【source: Rapport Sénat 2020】.

  1. Depuis 2018 : prise de conscience et nouvelles politiques

Après le choc, la prise de conscience. De nouvelles mesures sont prises, tant au niveau local que national.

La loi ELAN (Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), promulguée en 2018, renforce les moyens juridiques pour lutter contre l’habitat indigne. À Marseille, la municipalité change de cap après les élections de 2020. Le Printemps Marseillais, coalition de gauche, s’engage à faire du logement une priorité absolue.

La mission d’intérêt national (MIN) pour la rénovation du centre-ville est lancée, et l’État promet 650 millions d’euros pour accompagner les travaux. Des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) sont mises en place dans des quartiers comme Noailles, Air-Bel ou Saint-Mauront.

En 2023, plus de 1 200 logements ont été rénovés ou démolis dans le cadre de ces programmes. Mais le chantier est immense : selon un rapport de l’INSEE de 2021, près de 44 000 logements sont encore considérés comme potentiellement indignes à Marseille, soit près de 10 % du parc immobilier total【source: INSEE 2021】.

  1. Les limites de la rénovation : entre réhabilitation et gentrification

La rénovation des quartiers anciens pose un dilemme constant : comment améliorer l’habitat sans chasser les habitants historiques ? Comment éviter la gentrification, qui transforme les lieux de vie populaires en quartiers touristiques ou résidentiels inaccessibles ?

À Marseille, plusieurs associations (comme Un Centre-Ville Pour Tous, la Fondation Abbé Pierre ou le Collectif du 5 novembre) dénoncent une tendance à privilégier les projets privés ou de prestige au détriment des besoins sociaux.

Le cas du quartier du Panier est souvent cité : ancien quartier populaire devenu un haut-lieu touristique, où les loyers ont explosé. Le risque est que Noailles ou Belsunce subissent le même sort.

La ville tente aujourd’hui de favoriser la réhabilitation à finalité sociale, avec des loyers encadrés, des logements accessibles, et une participation des habitants aux projets. Mais les tensions restent fortes entre logique immobilière et logique sociale.

  1. Une ville à reconstruire avec ses habitants

Au final, l’histoire des immeubles insalubres à Marseille n’est pas seulement une question d’urbanisme ou de politique. C’est l’histoire de milliers de familles qui ont vécu dans la peur, dans des logements indignes, parfois au péril de leur vie.

C’est aussi une histoire de relégation : celle d’une ville qui a trop souvent abandonné ses plus modestes à leur sort, dans l’ombre de ses grands projets.

Mais c’est aussi, aujourd’hui, une opportunité : celle de reconstruire autrement. En partant des besoins des habitants. En écoutant les collectifs, les associations, les experts du terrain. En donnant la priorité à la dignité et à la qualité de vie, avant la rentabilité.

Le défi est immense. Mais après la tragédie, une ville peut renaître — si elle fait le choix du courage, de la transparence et de l’équité.

Sources :

  • INSEE, Qualité de l'habitat à Marseille, études régionales, 2021.

  • Rapport d’information du Sénat n°646 (2020) sur l’habitat indigne.

  • Université Aix-Marseille, UMR Telemme, études sur l’habitat à Marseille (2009-2020).

  • Fondation Abbé Pierre, rapport annuel sur le mal-logement, éditions 2019 à 2023.

  • Ministère de la Transition Écologique, base de données sur les OPAH et les opérations ANRU.